Le vrai centre d'un cercle est un point.
Or le point est sans dimension : c'est pourquoi il échappe tant à notre perception qu'à notre imagination. il n'appartient pas au monde physique car, dans ce monde, tout a une forme : tout est pourvu d'étendue, de dimension.
Le point appartient à un plan situé par-delà notre monde : il est d'ordre métaphysique, au sens littéral du terme. Il est symbole d'unité, de totalité, de perfection. Dans pratiquement toutes les cultures, il est symbole de Dieu.
Le point contient toute chose, mais uniquement en puissance. Cercle et sphère prennent naissance en lui; ils sont l'un et l'autre une manifestation du point. Ce qui, dans le point, n'était qu'au stade de la potentialité a atteint dans le cercle et la sphère le développement formel.
Le cercle est un point pourvu de dimension, aussi existe-t-il grâce à son point central et se définit-il par rapport à lui, bien que ce dernier ne soit pas perceptible.
Le point et le cercle - Dieu et le monde - l'un et le multiple, le non-manifesté et le manifesté, le contenu et la forme, le métaphysique et le physique, sont autant de notions paires à signification similaire.
Pour mieux comprendre que le petit, le fragment contient déjà le tout, on pourrait comparer le point à une graine et le cercle à une plante entièrement formée.
Pour pouvoir saisir, connaître, la dimension est indispensable. Sans les formes visibles, nous ne pourrions saisir l'invisible. Sans le corps, nous ne pourrions prendre conscience de nos expériences. L'univers visible est l'instrument qui permet le contact avec la transcendance ;
Dieu se révèle dans le monde, disent les chrétiens, tandis que les bouddhistes disent : nirvana et prakriti sont une et même chose. (...)
Cette identité de Dieu et du monde, de la réalité et de l'illusion recèle un grand mystère sur lequel nombre d'entre nous risquent de ne pas s'arrêter assez;
En fait, la compréhension juste de cette situation paradoxale peut nous garder de deux comportements extrêmes auxquels nous n'avons que trop tendance à céder : celui de nous perdre dans le monde des formes (dans la matérialité) et celui de chercher à le fuir parce que croyant que la spiritualité peut être trouvée en dehors du monde. Mais fuir le monde est en fait chose impossible, quand bien même il n'existerait que dans notre conscience.
Il nous faut y recourir dans notre cheminement vers le centre, vers la délivrance.
Labyrinthe de la cathédrale de Chartres
Recourir au monde , cela signifie y vivre, y travailler, réfléchir sur lui, jouer et danser avec lui ; cela signifie s'en servir comme d'un instrument capable de nous faire redécouvrir le point, le point où la multiplicité se résorbe et se confond avec l'Un.
La loi du monde est le mouvement, celle du centre l'immobilité.
La vie dans le monde est mouvement, activité, danse. Notre vie est une perpétuelle danse autour du milieu, du centre, une incessante circumbulation autour de l'Un invisible auquel nous devons l'existence, tout comme le cercle lui doit la sienne.
Nous vivons par le point central -bien qu'il ne nous soit pas perceptible - et aspirons à lui. Le cercle ne peut oublier son origine et nous, êtres humains, avons la nostalgie du Paradis. Quoique nous fassions, nous le faisons parce que étant à la recherche de notre centre, du centre.
Chacune de nos occupations recèle un désir de changement qui, à son tour, trahit l'insatisfaction qui est la nôtre par rapport à notre condition actuelle.
Aussi longtemps que l'homme vivra dans la dualité, il voudra faire et modifier, car dans le monde de la dualité, il n'y a pas de satisfactions durables.Seule l'arrivée au centre -l'accès au point- nous délivre et nous libère de l'insatisfaction.
Mais où chercher ce point ?
Nulle part puisqu'il est sans position; partout puisqu'il est le fondement de toute chose. Nous devons apprendre à écrire nos propres cercles, à réduire continuellement leur étendue, de sorte que notre vie tout entière finisse par évoluer autour du cercle, du point.
Ce n'est pas un hasard si en grec ancien "pécher" signifie aussi "manquer la cible", c'est-à-dire le point central. Vivre hors du centre, c'est vivre en état de péché, puisqu'en état de séparation. Cette séparation, il convient de l'abolir; il convient de jeter un pont au-dessus du précipice.
La circumbulation autour de l'invisible centre est le modèle archétypal de la vie, de même que le modèle fondamental de la danse. Fondamentalement, la danse est un acte rituel; elle est imitation rituelle de la vie de l'homme. C'est pourquoi elle est également un moyen d'aboutir à l'expérience mystique.
Les derviches, par exemple, y recourent. parmi les rituels que nous connaissons bien pour le avoir ou pratiqués ou vu pratiquer, citons la procession ou la circumbulation autour de l'autel par le prêtre. l'une et l'autre sont fondées sur la même symbolique : la danse autour du centre.
A chaque instant, nous menons cette danse autour du centre, mais, généralement, à notre insu.
Il nous faut donc apprendre les lois la gouvernant afin de pouvoir les vivre consciemment jour après jour.
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Thorwald Dethlefsen dans l'introduction du livre
"MANDALAS, comment retrouver le divin en soi"
de Rüdiger Dahlke
Jung penché sur un mandala
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Si nous étions déjà accomplis, il ne resterait en nous rien d'inconscient.
Les contenus inconscients sont donc des forces agissantes en vue de notre accomplissement en tant qu'êtres complets et conscients.
Les acquisitions à venir déterminent les lignes de force du développement de notre être total.
Ce sont des lignes de force suivant lesquelles notre être s'accomplit tout naturellement, mais impérieusement.
Par orgueil, aveuglement, incompréhension ou légèreté, nous pouvons nous situer hors de nos lignes de force propres, mais nous risquons d'être brisés.
On ne contrecarre pas sa nature impunément.
Une pierre ne peut jouer l'oiseau sans risquer d'être rompue, un oiseau ne peut mimer la pierre sans risquer d'en être paralysé.
Laurent Lachance "Les rêves ne mentent pas"
