Ce qu’on appelle la vie n’est qu’un bref épisode
entre deux grands mystères,
qui n’en font en fait qu’un seul.
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C-G Jung
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Pendant la première partie de la vie, il s'agit de développer le moi, de le dégager de l'arrière-plan des images collectives originelles, jusqu'à ce qu'au milieu de la vie, il ait acquis une complète indépendance.
Pendant toute cette période, intéressés que nous sommes à l'affirmation de notre personnalité individuelle, nous vivons comme si c'était nous qui faisions la vie, comme si l'expérience de la vie était notre propre invention. Et il faut bien que nous vivions de cette manière, parce que ce n'est qu'ainsi que nous pouvons prendre conscience de notre individualité et devenir des êtres autonomes.
C'est précisément parce qu'au moment de notre naissance notre existence n'est pas du tout différenciée de celle de la matrice psychique collective, qu'il est de notre devoir d'effectuer un redressement en nous attachant à la formation et à l'expression de notre moi individuel.
Mais dès que notre moi est assez fort, la nécessité d'une autre sorte de redressement se fait sentir, et c'est alors que nous faisons l'expérience de la couche supra-individuelle de notre personnalité.
Dans la phase antérieure, celle du développement du moi, toute notre expérience était subjective, c'est-à-dire créée et formée par notre moi subjectif.
Plus tard, il nous faut apprendre qu'au sens profond du terme, nous ne "créons" rien subjectivement, mais que le moi individuel, en vertu de sa fonction d'organe percepteur, ne fait que prendre conscience d'un arrière-plan éternel de faits objectifs.
Le moment où un enfant parle de lui-même pour la première fois en disant "je", est d'une importance capitale, car c'est l'instant où il fait spontanément l'expérience qu'il n'est pas simplement identique au monde des objets qui l'entourent.
Quand le moi pleinement développé prend concience des images de l'inconscient collectif objectif, c'est là un moment également décisif; le moi comprend alors que toute expérience n'est pas subjective, qu'il existe un vaste arrière-plan dont il peut appréhender la nature, mais qu'il n'a en aucun sens créé.
On s'aperçoit alors que cet arrière-plan psychique détient la clé du sens réel de la vie.
Ceci explique la nature prodigieuse de toutes ces visions de Dieu, de toutes ces "apparitions célestes" si fréquentes, par exemple, chez les prophètes de l'Ancien testament. Ceux-ci commençaient par leur opposer une forte résistance, justement parce que, à première vue, ces irruptions de l'invisible leur semblaient une attaque à l'intégrité de leur moi.
Le danger est en effet très réel, car si le moi, mis en face de ces éléments de l'arrière-plan collectif, est submergé par eux, il ne peut plus faire fonction d'organe récepteur, éclate et se perd dans une psychose.
Mais si l'individu, grâce à la force et à la cohésion de son moi subjectif, est capable d'affronter l'apparition du non-moi objectif, il n'y a pas dissolution de sa personnalité. Au contraire, se rendant compte des limites de son moi subjectif, il peut faire l'expérience de l'inépuisable richesse du monde intérieur objectif qui existe au-delà.
Le développement humain évolue donc de la manière suivante : l'être humain passe du stade d'avant le moi, dans lequel il est encore identifié avec la matrice collective psychique, à l'étape du moi qui s'est séparé de cet arrière-plan collectif, et finalement aboutit à un stade situé au-delà du moi;
en d'autres termes, l'évolution se fait d'un non-moi par un moi vers un non-moi, ce dernier différant du premier en ce que la personnalité est capable, à ce stade, de prendre conscience de la matrice collective.
On peut dire que notre chemin nous conduit d'un anonymat inconscient à un anonymat conscient.
C'est à ce dernier stade que Jung applique le terme de "Soi" par opposition au "Moi".
Le chemin de la vie conduit donc à la fois en avant et en arrière :
- en avant vers le maximum de conscience du moi;
- en arrière vers le retour à l'unité originelle, mais qui est cette fois consciente.
La figure géométrique décrivant à la fois un mouvement en avant et un mouvement en arrière est le cercle; celui qui progresse selon un cercle retourne à son point de départ.
C'est pourquoi le cercle est le symbole de la vie humaine et de l'éternité.
Gerhard Adler "Le moi et le cycle de la vie"
"Etudes de psychologie jungienne"
A vrai dire, les petits enfants sont très vieux ;
ce n’est que par la suite qu’ils deviennent plus jeunes.
En fait, c’est à l’âge mûr que nous sommes les plus jeunes,
précisément à l’époque où nous avons – complètement ou presque –
perdu le contact avec l’inconscient collectif, avec les samskara.
Et nous vieillissons à nouveau
lorsque nous nous remémorons ces samskara
avec les années qui passent.
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C-G Jung
"Psychologie du yoga de la kundalini"
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