La fin du rêve montre un mouvement général qui est aussi un "changement de posture"...et donc un changement d'attitude. Les femmes qui étaient couchées face contre terre, une par une, lentement, se redressent...et se mettent debout.
Le passage de la position horizontale à la position verticale est en lui-même un symbole fort : les femmes quittent leur position recroquevillée, apeurée, soumise...et retrouvent leur dignité perdue...elles montrent enfin leur visage, leur véritable identité. Elles montrent une féminité fière et authentique.
Dans leur nudité sombre, elles sont belles, magnifiques...comme le sont en général les femmes africaines à la silhouette élégante et au port altier (j'ai toujours admiré la grâce, la souplesse de la démarche des femmes noires, leur beauté et leur sensualité, leur joie et leurs danses aussi).
La "blessure" est oubliée, c'est une sorte de "guérison" collective à laquelle nous assistons. Le mouvement de la première femme a entraîné celui des autres, comme si elles n'attendaient que ce signe, cet "exemple" pour se lever à leur tour.
Et là, j'ai l'impression que c'est la "terre" elle-même qui se lève, qui re-vit...c'est comme un grand printemps, une croissance, une "floraison" longtemps attendue...
(Cf Histoire de "Kirikou et la sorcière" : tout se met à refleurir quand le "Pouvoir féminin" - vu jusque-là comme "mauvais" et "sorcier" - est enfin guéri...et aimé. C'est la fin de la sécheresse et de la stérilité...les "hommes-choses" redeviennent humains...c'est le retour tant attendu de l'abondance, de la joie et...de l'amour ! )
A la fin du rêve, c'est comme si l'inconscient collectif (représenté par le champ), ayant longtemps gardé les graines enfouies, germait et donnait enfin son "fruit" : l'éveil et l'épanouissement du Féminin.
C'est comme si le Féminin sortait du sommeil, de l'indifférencié (materia prima) et trouvait enfin son expression, sa "forme humaine"...et sa beauté.
Le Principe Féminin retrouve sa liberté et sa splendeur, sa valeur spirituelle et sacrée (verticalité entre Terre et Ciel)...celle qu'il avait perdue depuis des millénaires, dans l'esprit des hommes...et des femmes aussi...puisque, pendant tout ce temps, seul le Principe masculin était honoré et respecté.
Et dans cette "guérison" et cette "ascension" du Principe féminin, c'est aussi la Nature et toute la Terre qui guérissent et qui ascensionnent...qui s'élèvent à un autre niveau.
Quand la Vie féminine retrouve sa dignité, quand elle est à nouveau respectée, la Nature l'est aussi...automatiquement. On cesse de vouloir la contrôler, la dominer, l'asservir... la Terre redevient la "Terre-Mère", la Déesse antique et nourricière, la "Grande Mère universelle" qui détient les secrets de la vie et de la mort...
Elle n'est plus "ressource à exploiter", "matière obscure", "motte sans âme", elle redevient une entité "vivante" (Gaïa).
Quand les valeurs féminines ne sont plus méprisées, ni haïes, quand elles sont reconnues, admirées, le monde redécouvre la valeur des relations humaines, du partage, de la coopération et...de l'amour.
Le Principe Féminin et le Principe Masculin ayant retrouvé chacun leur dignité et leur juste place, les hommes et les femmes retrouvent également la leur et peuvent avancer main dans la main. Leur union redevient source vivifiante, source d'eau vive, source de joie.
C'est une évidence, c'est une urgence aussi... et je ne suis pas la première à l'annoncer : "la femme est l'avenir de l'homme" :
''Si les femmes s'unissent dans le but sublime de régénérer l'humanité,
elles gagneront l'estime des hommes.
De nouveau, ils seront obligés de les respecter, de les admirer,
de les estimer, et d'être inspirés par elles...
L'époque qui vient sera celle de l'amour : cela signifie que ce sera l'époque de la femme.''
O-M AIVANHOV
En se mettant à l'écoute de soi-même, chacun, homme ou femme, peut recevoir un écho de cette réalité profonde : la femme est la dépositaire d'une dimension sacrée que des siècles d'oppression ont engloutie mais qui demande aujourd'hui à resurgir pour le plus grand bien de tous.
"La femme solaire"
Dans la grande entreprise de laminage de l'ère patriarcale, la femme n'a pas seulement été soumise et infériorisée sous le joug, la loi du masculin, elle a aussi perdu sa valeur d'initiée ou, du moins, elle l'a engloutie sous les eaux de l'inconscient. Comme Blanche Neige ou la Belle au bois dormant, elle est la princesse endormie, protégée d'un destin plus funeste par son sommeil même.
Elle dort et veille sur le possible tout à la fois comme la graine enfouie dans le sol pendant les froidures de l'hiver et elle attend le printemps de son âme. La femme se garde et a placé au plus profond de son coeur le message de l'amour, et nul ne sait qui viendra la délivrer et libérer le passage. C'est toute l'histoire du Graal et des chevaliers en quête de la coupe de la féminité, du vase sacré.
Mais les chevaliers de la Table ronde se sont évanouis à l'horizon. Ils ne reviendront pas car il n'appartient plus aux hommes de sauver l'âme malade du monde, malade d'un manque d'amour. Les femmes commencent à savoir que le chevalier, le prince tant attendu, surgira en elle et que l'attente doit se convertir : d'extérieure elle doit devenir intérieure.
Une musique très lointaine se fait entendre, plaintive encore, souffrante et discordante. Celle des femmes qui se relèvent et se réveillent dans un ballet incertain.
Comme elles sont mutilées et incomplètes, ces femmes ; comme elles se cherchent, comme elles s'auto-détruisent, comme elles s'entre-détruisent, ignorantes de leur beauté et de leur sororité. Pourtant, des mains s'élèvent, se rejoignent, esquissent la forme d'une coupe, font naître un soleil. Ce soleil pâlit et l'on peut croire qu'il va disparaître, mais à nouveau il brille au-dessus des têtes.
Les chants deviennent plus mélodieux, plus puissants. Une onde se déverse en pluie fécondante sur l'humanité assoiffée. Le chant de l'être se répand et irrigue toutes les âmes. L'espoir de ce monde est entre les mains des femmes.
Paule Salomon (en 1997)
(suite du texte ici)
La Licorne
P-S : Le film "Kirikou et la sorcière", de Michel Ocelot, peut être vu en intégralité ici (ou dans l'article suivant).
Pour voir juste la fin de l'histoire, la guérison finale, pointer directement à 58 min.