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La première chose que l'on peut dire à propos du rêve 23 proposé par Mingingi, c'est que c'est un rêve qui "enchante"... un rêve qui nous ramène au pays des rois et des princesses, dans un univers en partie moyen-âgeux, en partie intemporel.
Nous sommes, de toute évidence, au pays du "merveilleux", au pays des contes...
(ce qui indique, sans doute, que la rêveuse a gardé sa capacité d'"émerveillement", qu'elle n'a pas perdu cette qualité de l'enfance).
Or, les contes sont des histoires qui se perdent dans le temps : après avoir été véhiculés par des centaines et des milliers de voix au cours des siècles, ils ont fini, à force de remaniements, par "s'imprégner" peu à peu de la mentalité collective, par en être un fidèle reflet.
Ils sont en quelque sorte les "rêves ou mythes du collectif", les récits imagés qui peuvent parler à tous parce qu'ils nous viennent, non de l'inconscient personnel d'un conteur ou d'un auteur, mais de l'imagination collective et donc de l'inconscient collectif...
Voilà pourquoi, on peut soupçonner que "La jeune fille et le roi", en forme de conte, est un "Grand Rêve" , c'est-à-dire un rêve qui n'est pas que personnel et qui peut "parler" à d'autres personnes que la rêveuse...
Dans les contes, les personnages n'ont que peu ou pas de caractéristiques personnelles, ce sont en général des Archétypes.
Il en est de même dans ce rêve (il y a Le Roi, La Jeune fille et Le Garde...on ne connaît ni leurs prénoms, ni leurs traits de caractères ...).
Marie-Louise Von Franz qui a étudié de nombreux contes, dans l'optique de la psychologie jungienne, disait que le "Roi" y représente en général le "Principe règnant". C'est donc le Principe (en passant, remarquez que le mot a la même étymologie que "Prince"...) qui est adopté par la majorité des gens à une époque donnée.
Il est ici Masculin, ce qui est logique étant donné que nous vivons depuis des siècles et même des millénaires... dans une société patriarcale, une société dans lequel le Principe Masculin est considéré comme supérieur au Principe Féminin.
Quant à la jeune fille, on peut imaginer qu'elle représente, elle, justement ce Principe Féminin...celui qui ne "règne" pas, celui qui n'a pas le "pouvoir".
Dans le rêve , elle doit se rendre devant le Roi pour lui livrer une "phrase ultime"...une phrase-clé.
Et voilà ce qu'elle lui dit : "Je veux tout, Sire, c'est-à-dire rien".
Merveilleuse phrase, à laquelle, cependant, il semble que le Roi ne comprenne rien !
A quoi reconnaît-on que cette phrase est une phrase-clé, une phrase qui livre un des secrets de la vie ?
Comment savoir si elle renferme une profonde vérité ?
Eh bien, c'est qu'elle est...paradoxale.
Toutes les "grandes vérités" sont paradoxales...c'est à cela qu'on les reconnaît.
Par exemple, tous les mystiques décrivant Dieu ou le Divin énoncent des paradoxes : ils disent qu'il est à la fois la Plénitude et la Vacuité, la Toute-Puissance et l'Extrême Fragilité, une Omniprésence et une pure Absence, la Trancendance et l'Immanence, le Très-Haut et le Très-Bas...etc. C'est un trait commun à tous les énoncés qui touchent à la profondeur du réel...
"Je veux tout, c'est-à-dire rien." s'inscrit donc bien dans la lignée des phrases essentielles qui, tentent, par les mots, de dire ce qui est, au fond, inaccessible au langage.
On peut aussi penser, en l'écoutant, à la fameuse interrogation de Freud :
« La grande question restée sans réponse et à laquelle moi-même je n’ai pas pu répondre malgré mes trente années d’études de l’âme féminine est la suivante : Que veut la femme ? » disait-il , il y a un siècle...
Eh oui, "Que veut la Femme ?", c'est une vraie question...
Que recherche-t-elle vraiment, au fond, elle qui est sous l'emprise de ce Principe féminin, si différent du Principe Masculin...?
Il faut bien dire que les hommes ne l'ont jamais tout à fait compris...et Freud en tête qui l'affublait d'un "désir de pénis" montrant bien, par là, qu'il ne voyait le Féminin qu'en "creux"... il le voyait comme un '"manque"... sans en saisir l'essence véritable...
Le rêve y répond d'une façon géniale : la femme (ou plutôt le Principe Féminin en elle) veut TOUT...et ce TOUT, ce n'est RIEN...c'est-à-dire rien de tangible...rien de matériel, rien qu'on ne puisse "toucher" ou "posséder"...
Le Principe Féminin veut effectivement le "Tout" de la vie : ce qu'il poursuit sans trêve, c'est l'Intensité et la Joie, le Bonheur et l'Amour...ces dons intangibles mais infiniment précieux.
Le Désir du Féminin est en rapport avec l'Etre (et non l'Avoir).
Le Féminin veut vivre la Vie avec passion et dans sa Totalité.
La phrase apportée par la jeune fille est donc très précieuse, elle aussi...et même si elle n'est pas directement accessible, elle peut parler à un coeur sincère qui cherche la vérité. Elle peut parler à celui qui prend le temps de l'accueillir et de la méditer.
Comment est-elle reçue par le Roi, le Principe Masculin dominant...?
Eh bien, elle est reçue avec déception...ce n'est pas du tout cela que le Roi attendait...Sans doute, pour lui, n'est-ce pas assez "clair"...trop éloigné de sa façon habituelle de penser...
En tant que "Principe règnant" dans la société, il est matérialiste, rationnel (cartésien ? ;-) ) et ne donne d'importance qu'à ce qu'il peut voir et comprendre avec son intelligence, sa raison ...
Manifestement, ce genre de subtilité le dépasse...il ne peut rien en "faire" !
Il rejette donc "et la phrase, et la jeune fille"...qu'il renvoie sous la surveillance de son "garde".
Que représente ce "garde" ?
Peut-être le "gardien de l'ordre établi"...
Mais, avec sa capuche et son visage dissimulé, on peut aussi imaginer qu'il est une figure d'"ombre"...
L'Ombre, ce côté obscur de la personnalité, dont on ne connaît jamais complètement les "traits"...
Il serait donc l'ombre du Roi (et de la Conscience collective)...ce qu'il n'a pas "reconnu"... son double obscur...
La rêveuse signale d'ailleurs qu'elle pressent une sorte de "lien caché" entre la jeune fille et le garde...ce qui peut se comprendre si l'on admet que le Principe Féminin , lui-même "non-reconnu" à sa juste valeur dans la société, est en lien avec "l'ombre" de celle-ci...
On ne sait trop ce que le garde doit faire de la jeune fille...ni où il l'emmène...peut-être va-t-il l'emprisonner...ou l'emmener au bûcher...on ne sait pas. Mais les voilà qui traversent tous deux la foule...et cette foule, pressentant le pire, manifeste sa tristesse en pleurant...
A ce moment-là, la jeune fille va-t-elle à la mort...ou vers un "éveil" ? (comme le pense la rêveuse).
J'aurais tendance à penser qu'elle va ...vers les deux !
Car elle va vers une transformation, vers une initiation...qui est, d'une certaine façon, une "petite mort"...une mort à ce qu'elle était auparavant, mort qui mène ensuite à une "renaissance"...
Elle "quitte" la mentalité collective représentée par le Roi... elle est rejetée, incomprise, mais elle avance (remarquons qu'elle marche devant le garde...et non derrière !), elle poursuit son chemin...et, sous ses pas, "le sol se couvre d'or"...
Cet "or" qui apparaît...indique qu'il s'agit là d'un rêve qu'on peut classer dans la catégorie des "rêves alchimiques" (chers à Etienne Perrot, voir son livre "Les rêves et la vie").
Les rêves alchimiques sont des rêves de transformation...et même de transmutation...L'alchimie parle de rechercher le plus "précieux" dans le plus "vil"...le plus "brillant" dans ce qui rebute, dans ce qui est "rejeté"...par tous.
Or, c'est bien là, ce qui est "rejeté" (dans l'ombre..) qui mène à l'or, à la "vraie richesse" ("richesse intérieure", fruit d'un long travail sur soi...).
Le sol (on pourrait presque imaginer la "boue" du sol...mouillée par les larmes de la foule...) se transforme en "matière précieuse", en or inaltérable, incorruptible...
On pense alors à tous ces contes dans lesquels une jeune fille (souvent humiliée par sa famille qui ne la comprend pas et la traite comme une esclave...) finit, après avoir fait preuve sur son parcours de qualités très "féminines" (patience, humilité , compassion) par trouver un "trésor" ou un "riche mariage"...
Dans d'autres contes, il arrive que des pièces d'or ou des diamants se mettent à sortir , comme par miracle, de sa bouche...
C'est un peu toujours la même histoire : les difficultés, le rejet, l'incompréhension...puis, à force de foi en la vie, d'humilité et de persévérance, la "transformation finale"...et la vraie richesse...celle qui ne passe pas, celle qui rend "heureux"...
Ici, c'est le sol sous ses pieds qui se transforme...comme pour montrer que c'est le "chemin parcouru" qui est important...on pourrait aussi se dire qu'il s'agit d'une transformation très "concrète" (terre = matière) : elle laisse , là où elle passe, comme une "traînée de lumière" (l'or est en rapport avec la lumière solaire), comme une trace "éternelle"...
On pourrait dire qu'elle "transforme le monde autour d'elle" , par la magie de son Etre...de ce qu'elle EST, de ce qu'elle "rayonne"...
Voyant cela, le garde est surpris ... et le Roi, s'aperçevant alors de son erreur, comprend qu'il a manqué de discernement et veut la rappeler ...mais elle continue son chemin...
Le "retour en arrière" n'est pas possible...elle continue sur sa voie...(vers l'Eveil ?).
En fait, il est probable que retourner vers le Roi l'intéresse assez peu...car ce qu'elle recherche n'est pas "règner"...(pourtant, on peut remarquer au passage que l'or est un attribut "royal"). Le plus souvent, ce qui satisfait le Féminin n'est pas d'avoir la position "dominante"...mais c'est de se réaliser "intérieurement"...
Ce qui importe à la jeune fille n'est pas le "Faire", l'"Avoir" ou Le "Pouvoir", les "valeurs d'apparence" (elle les laisse derrière elle sans regret, elle n'y "revient" pas), ce qui lui importe, c'est l'authenticité, la "Qualité d'Etre" qu'elle peut atteindre.
(Ainsi, dans le conte du magicien d'Oz, Dorothy, l'héroïne, suit aussi, tout au long de l'histoire, une "route pavée d'or" qui l'emmène vers un château et une cité d'émeraude...symbole du Soi et de l'accomplissement spirituel)
A la fin de cette histoire, le Principe Masculin a sans doute manqué une excellente occasion de comprendre le Principe Féminin...et de s'adjoindre son intuition naturelle de ce qui est "essentiel".
La jeune fille (Principe Féminin), elle, a réussi à surmonter le rejet qu'elle a subi et à transmuter ses difficultés en une véritable Richesse intérieure...ainsi qu'à transformer un peu le monde qui l'entoure...en quelque chose de plus beau...
Bien qu'elle soit "menacée de mort" et "sous bonne garde", elle est sur la voie de l'accomplissement. (ou de l'Eveil)...et de la véritable "Royauté", celle qui ne "passe pas"...
Voilà donc un rêve qui méritait bien, je trouve, d'être examiné...
Merci Mingingi : je crois que ce rêve, c'est vraiment un "rêve qui conte" !
La Licorne
P-S : 1) Tout le monde n'étant pas familier avec la psychologie jungienne, je tiens quand même à rappeler que, pour Jung, nous avons tous une partie masculine ET une partie féminine.
Même si le Principe Féminin est plus présent , normalement, chez une femme, elle est concernée A LA FOIS par l'attitude du Roi et celle de la jeune fille...ces deux "attitudes" se côtoient et s'affrontent en elle...et en chacun de nous...
Mon propos n'est donc pas sexiste... ;-), ne vous méprenez pas !
Je ne fais que décrire la façon dont ces deux Archétypes interagissent (à la fois à l'intérieur d'une personne et à l'intérieur de la société).
2) Il faut préciser, pour être tout à fait exact, que ce "rêve" n'est pas un "rêve nocturne" mais un rêve semi-éveillé, une sorte de "vision" que la rêveuse a eue en plein jour qu'elle était en train de lire un livre...(lire rectificatif de la rêveuse dans les commentaires) ...je l'ai néanmoins étudié comme un rêve normal car il me semble que ce récit en a les caractéristiques symboliques...