Philémon peint par Jung lui-même...
Cette image figurait sous forme de fresque
sur l'un des murs de sa chambre, à Bollingen.
Dans "Ma vie" (p 212), Jung raconte ce rêve :
" Il y avait un ciel bleu, mais on aurait dit la mer.
Il était couvert, non par des nuages, mais par des mottes de terre.
On avait l'impression que les mottes se désagrégeaient,
et que la mer bleue devenait visible entre elles.
Mais cette mer était le ciel bleu.
Soudain, apparut un être ailé qui venait en planant de la droite.
C'était un vieil homme doté de cornes de taureau.
Il portait un trousseau de quatre clés ont il tenait l'une
comme s'il avait été sur le point d'ouvrir une serrure.
Il avait des ailes semblables à celles du martin-pêcheur,
avec leurs couleurs caractéristiques."
.
C'est la première fois qu'il "rencontre" ce personnage...
qu'il appellera "Philémon"
et qui deviendra, peu à peu, son "guide intérieur".
Illustration d'Ephême
trouvée chez Ariaga
.
"Philémon, ainsi que d'autres personnages de mon imagination, m'apportèrent la connaissance décisive qu'il existe dans l'âme des choses qui ne sont pas faites par le moi, mais qui se font d'elles-mêmes et qui ont leur vie propre.
Philémon représentait une force que je n'étais pas.
En imagination, j'eus avec lui des conversations et il dit des choses que je n'aurais pas pensées consciemment.
Je perçus très exactement que c'était lui qui parlait et non pas moi.
Il m'expliqua que je procédais avec les pensées comme si je les avais créées moi-même alors qu'à son avis, elles possédaient une vie propre, tels les animaux dans la forêt, des hommes dans une pièce, ou des oiseaux dans les airs :
"Si tu vois des hommes dans une pièce, tu ne prétendras pas que tu les as faits ou que tu es responsable d'eux." m'enseigna-t-il.
C'est de la sorte qu'il m'apprit petit à petit l'objectivité psychique, la "réalité de l'âme".
Grâce aux dialogues avec Philémon, la différenciation entre moi et l'objet de ma pensée se clarifia. Lui aussi, Philémon, s'était en quelque sorte dressé objectivement en face de moi, et je compris qu'il y avait en moi une instance qui pouvait énoncer des dires que je ne savais pas, que je ne pensais pas, voire des choses qui allaient à l'encontre de moi-même.
Psychologiquement parlant, Philémon figurait une intelligence intuitive des choses, supérieure à celle dont disposait le moi. Il était pour moi un personnage mystérieux. De temps en temps, j'avais l'impression qu'il était comme physiquement réel.
Je me promenais avec lui dans le jardin et il était pour moi ce que les indiens appellent un guru."
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C-G Jung "Ma vie"
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A propos de Philémon, je vous recommande
la lecture d'un article très intéressant de Pierre Trigano,
dans la revue "Je serai".
Vous pouvez le lire ici :
("L'unique habite au coeur de la psyché humaine")
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Il y parle de ce rêve qu'il a eu un jour :
" J'entre dans le jardin
de la Tour de Bollingen.
Je rencontre le vieux Jung
avec son tablier de cuir.
Il est en train de graver dans la pierre
le visage de Philémon.
Il m'accueille mais sans parole.
Je le regarde oeuvrer en silence.
A un moment, il me dit :
l'important est de restituer avec fidélité
son sourire."
(!)
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Pour l'auteur, le nom de Philémon signifierait
"l'expression de l'amour unique"
(de philé : amour et monos : unique)
Peut-être peut-on traduire aussi :
"l'amour de l'UN" ou "l'amour-UN" ?
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La Licorne
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